Risque d’entente anticoncurrentielle en cas d’échange d’informations commercialement sensibles entre candidats qui soumissionnent individuellement à un appel d’offres, même si cet échange d’informations intervient pour envisager d’y répondre conjointement dans le cadre d’une sous-traitance

La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 septembre 2025 revient sur l’interdiction, au regard du droit des ententes, pour des entreprises qui ont échangé des informations commercialement sensibles pour répondre, dans le cadre d’une sous-traitance, à un appel d’offres, de soumissionner à titre individuel.

Le fait, pour deux entreprises de soumissionner individuellement à un appel d’offres après avoir échangé des informations commercialement sensibles pour envisager d’y répondre conjointement dans le cadre d’une sous-traitance, constitue une entente anticoncurrentielle.

Il s’ensuit que dès lors que des informations sensibles ont été échangées entre des concurrents dans le cadre d’une potentielle relation de sous-traitance, ces derniers doivent considérer ne plus pouvoir candidater individuellement et simultanément à l’appel d’offres en cause.

La société Santerne Nord tertiaire (et ses sociétés mères, les sociétés Vinci énergies et Vinci énergies France) a été condamnée par l’Autorité de la concurrence dans sa décision 21-D-05 du 4 mars 2021 au paiement d’une amende de 435.000 euros (ramenée à 272.000 euros par la Cour d’appel de Paris) pour entente anticoncurrentielle.

Il était reproché aux sociétés Santerne Nord tertiaire et Neu d’avoir participé à une entente anticoncurrentielle prohibée par l’article L420-1 du code de commerce. L’infraction au droit de la concurrence réside dans le fait que ces sociétés ont échangé des informations commercialement sensibles portant sur des éléments significatifs du marché puis d’avoir soumissionné, séparément, et donc avec l’apparence d’avoir deux offres indépendantes.

Les informations communiquées par la société Neu à la société Santerne Nord tertiaire ont permis à cette dernière de connaître des éléments de l’offre financière et technique de la première. La société Santerne Nord tertiaire avait utilisé le logo de la société Neu dans son mémoire technique (ce qui montre, en creux, que les informations communiquées par la société Neu avaient été utilisées par la société Santerne Nord tertiaire pour construire son offre).

La Cour rappelle deux principes d’importance pour l’affaire en cause :

  • D’une part, du point de vue du droit de la concurrence, tout opérateur doit déterminer de manière autonome sa politique économique (§ 27) ;
  • D’autre part, le recours à la sous-traitance peut être pro-concurrentiel lorsqu’il permet à des entreprises qui, ne possédant pas en interne l’ensemble des compétences requises pour soumissionner à l’appel d’offres, n’auraient pas pu concourir ou lorsqu’il permet à des entreprises de proposer, grâce à la sous-traitance, une offre plus compétitive ou de meilleure qualité (§ 34).

Au regard des faits de l’espèce, la Cour approuve le raisonnement de l’Autorité de la concurrence et les juges du fond d’avoir considéré que les informations échangées entre ces deux sociétés allaient au-delà de ce qui est nécessaire pour la négociation de la sous-traitance. Les deux offres, en apparence indépendantes, avaient donc faussé la concurrence. Une entente anticoncurrentielle est donc caractérisée et l’amende maintenue.

Cette décision entérine la pratique de l’Autorité de la concurrence. Il est donc désormais important de s’assurer que :

  • Le recours à la sous-traitance repose sur des raisons objectives et documentées qui sont, sur la base de la pratique décisionnelle, en premier lieu, d’ordre technique ;
  • Ces raisons doivent être identifiées en amont de la formalisation de la relation de sous-traitance ;
  • Aucune information sensible ne doit être communiquée au sous-traitant, seul ce dernier a vocation à en communiquer au candidat ;

Un engagement de confidentialité fort doit être conclu et un monitoring précis des informations échangées doit être mis en place en veillant à ne transmettre au sous-traitant que les informations strictement nécessaires pour que ce dernier comprenne son implication dans le marché.

Godard Avocat

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